2009

This is the end. Anastasia n'a plus son sourire. C'est foutu. L'univers peut s'éclater contre l'infini, qu'importe, le sien est déjà crevé. Je n'ose même pas parler. On est n'est plus que des putains de macchabées, mon ange. Il faut se rendre à l'évidence. Elle s’annihile. Et ça me bouffe l'âme, le cœur, les entrailles. Jsais' pas quoi faire ; égaré au sein d'un bordel insondable. Aucune porte de sortie, roue de secours, nul kit de survie pour cette fois-ci. Impuissant face à son mutisme. Elle n'exprime strictement rien. Anastasia est vide. Énième tentative : j'avance doucement, juste de quelques centimètres. Hélas, l'espérance est encore vaine. Elle se décale jusqu'au rebord du lit. Un long soupir se fait entendre, jsuis' exténué. Le tableau est sinistre. Cette scène me désole. J'analyse les alentours infantiles, scrute le moindre détail avec nostalgie, ce qui m'arrache un léger sourire. Cette putain de chambre, ma seconde baraque. L'endroit reflète parfaitement Ana' ; gamin, simple, pastel, délicat. Fantasque. Une lolita hallucinée, voguant au sein d'un comic strip abstrait, dingue, et survolté. Mais elle s'en est fourvoyée, cette garce de fatalité obligeant ceci. Bye bye les illusions chamarrées. Pas Anastasia, bordel, tout sauf elle. C'est la nana type sans ennui, la princesse moderne errant çà et là, avec une incommensurable allégresse. Maintenant, c'est mort. Lorsqu'elle flâne, elle s'avère surtout en quête d'une voiture sous laquelle se foutre. Dépressive certifiée ; suicidaire apprivoisée. L'industrie psychiatrique la shoote aux antidépresseurs. Une gélule et le Monde s'illumine. Conneries. Ça l'enferme plutôt en cellule d'autodestruction ; bouton on appuyé, puis tic tac et bang. Jsuis' désemparé depuis le drame. Pourtant, il faut mimer la stabilité devant les individus. On me demande des nouvelles d'Ana' à l'université, jréponds qu'elle s'en remet. Tu parles. Les mensonges fusent, normal, elle n'a jamais apprécié se faire plaindre, d'où mon comportement. Et ce n'est pas comme si la plupart des gens s'intéressaient, compatissaient réellement à la douleur d'Ana', beaucoup s'en balance. Juste une question de politesse, histoire de bien s'faire voir. C'est clair ; c'est humain, l'égoïsme est encré dans notre programme. Le briquet claque, la flamme danse, et embrase le bout d'une gitane. Jtire' une longue taff', telle une putain de renaissance, fumée recrachée en ligne droite, vers le sol. Cloper, soupirer, et l'observer d'un œil abattu, jfais' ça depuis plus d'une heure. Lamentable. Je n'exige rien de sa part, ce serait le comble. Toutefois, peut-être, juste... J'en sais rien. Juste sentir qu'elle n'est pas qu'une morte-vivante. Qu'elle est là. Je veux retrouver ma Ana'. Je veux me retrouver. Rêve aussi absurde qu'impossible. Les merveilleux retour en arrière, c'est seulement dans les films. Dommage. On est en phase terminale. Et jferais' mieux d'y aller, je reviendrai demain, comme d'habitude. Plus d'un mois que le carnage dure. Baby, I'm sorry. Et mon dos se déloge du mur, afin d'aller écraser ma clope contre le cendrier installé sur la table de chevet. Elle se braque, se contracte, en rapprochant ses genoux de sa poitrine. « À demain, Ana’. » Pas de réponse, c'est habituel. Depuis le viol, elle n'a guère prononcé un mot ; renfermement total sur soi. Dernier regard jeté en sa direction avant d'entrouvrir la porte, qui glisse ensuite vers le sol en un énième long soupir. « Reste. »

2008

« Tu te fous de ma gueule ? » Totalement. Mais si j’ose dire la vérité, jsuis’ foutu ; pour des raisons médicales, j’éviterais donc. Jmens’ pour mon bien ; la conscience peut aller se faire foutre. Ce n’est pas sain cet endroit. Pourquoi Diable foutre les psychopathes avec les banals allumés ? J’exagère légèrement, mais il semble pas net, sans blague. Il me fixe avec ses grands yeux inexpressifs. Encore un qui n'a aucun sens de l'humour. C'est à la mode par ici. Jme' demande toujours ce que je fous là ; obligation parentale surement. Pour un simple moment d'égarement, ils te jette dans un asile. Jsuis' pas dingue, à dernière nouvelle. Par contre, à forcer d'être enfermé ici, je vais le devenir. La folie, ça doit être contagieux, ou c'est une question de pilule. Quoi qu'il en soit : plus qu'une semaine à tirer. Jressemble' à un mec en taule, comptant les jours jusqu'à celui de sa libération. Dépressif à tendance suicidaire, le diagnostique. Idem, jme' demande toujours pourquoi pareille conclusion. (uc)