« just tonight »

Cela faisait déjà quelques temps que les fashion week avaient été lancées. Je ne participais à celle de new york et avait donc pu rester à Prague toute cette semaine là. De plus, Siobhàn n’y participais pas non plus alors nous étions resté ensemble, pour changer. J’étais descendu en ville pour aller chercher des nouvelles clopes et quelque chose à manger ce soir parce que je n’avais aucune envie de sortir encore dans un de ses restaurant qui puaient le fric et qui me foutait la nausée. A la place j’avais prévu de rester avec Siobhàn puisque nous ne passions pratiquement aucune soirée ensemble… On pouvait presque se demander pourquoi on était ensemble mais soit, c’était agréable alors bon. Et puis nos parents en étaient bien évidemment ravis. Mes parents avaient envie qu’une union se fasse entre nous, ils voulaient que notre famille deviennent « mixte », parce que c’était ça le nouveau chic selon eux. Moi j’en avais rien à foutre et c’était totalement hors de question que je me marie un jour. Jamais, fin de la discussion.
Une fois mes clopes achetées ainsi qu’un truc à manger (des pâtes, je ne compte pas trop sur les talents culinaires de Sio’ alors..) je rentrai chez moi, montant dans ma voiture noire flambant neuve qui coutait plus cher que le salaire annuel d’un tchèque moyen. Je n’eus bien sur aucune difficulté à me garer étant donné que je ne devais pas le faire, je balançai les clés au voiturier tandis que le portier de mon appartement m’ouvrait la porte. Je montai dans le premier ascenseur venu et m’allumai une clope à l’intérieur malgré la totale interdiction de la part du propriétaire. On s’en fou, c’est mon père. J’ouvris enfin la porte de mon appartement et déposai le sachet sur la première table venue, celle du salon. Je vis alors Siobhàn en train de fumer (vive le couple) devant la fenêtre, j’écrasais ma cigarette dans un cendrier qui passait par là et me rapprochai d’elle, passant mes bras autour de sa taille, je déposai un baiser dans son coup et la lâchai en suite. « Bonne journée ? » demandais-je alors que je m’avançai déjà vers le bar, il était huit heures du soir et je servis deux verres de whisky, c’était une irlandaise, elle adorait ça. Je lui tendis un verre et entamai le mien. C’était un excellent whisky et pas un simple jack daniel’s qui, en comparaison, était purement dégueulasse.

La journée avait été longue, comme à son habitude. Elles se suivaient et se ressemblaient toutes. Au diable le dicton, ceux qui les inventaient étaient des idéalistes optimistes, même le nez dans le malheur ils trouveraient le moyen de voir un rayon de soleil. C’étaient des abrutis, ni plus ni moins. Ils l’étaient tous d’ailleurs. Toutes les personnes qui l’entouraient l’étaient. Mais tu peux pas le leur dire, tu ne peux pas. Si tu le fais, tu perds tout, tu n’as plus rien. Il ne te reste que tes yeux pour pleurer, pleurer le soit disant bonheur que t’avais avant d’ouvrir ton caractère qui, soit dit en passant, n’est pas des meilleurs. Alors au final, tu ne dis rien, tu la fermes comme on dit dans le jargon. Et tu restes, là, plantée, immobile, à regarder toutes ces débiles personnes à s’activer autour de toi. Pour quoi faire ? Essayer de cacher les traces noires qui se collent sous tes yeux depuis quelques jours. Essayer de cacher les dérapages nocturnes. Mais cacher c’est éviter la vérité. La vérité est telle qu’il faut une tonne de poudre pour la cacher. Et tu fais semblant, tu les remercies, tu te caches derrière l’excuse de la dure réalité du métier, tu mets toi aussi de la poudre pour éviter de dire que t’as beaucoup bu la veille. Et puis tu souris. Ils te complimentent. Qu’est ce qu’ils sont débiles. Franchement, vous pensez vraiment que cette grande blonde que l’on dit anorexique est belle ? Que son teint bronzé avec ses longs cheveux blonds, que ses yeux bleus sont beaux ? Vous croyez pas qu’il y a trop de poudre pour ne pas voir la vraie personne qui se cache en dessous cette tonne de superficialité ? Elle sourit et les remercie. Elle fait la débile pour que tout aille dans son sens et qu’elle obtienne ce qu’elle veut. Elle est prête à tout cette grande blonde insupportable. On l’aime, on l’admire, mais faut surtout pas qu’elle ouvre la bouche. Dans ce cas, on ne l’aime plus. On l’a jalouse parce qu’elle a tout, tout, tout, effectivement tout. Elle range son portable android dans son sac à main Louis Vuitton qu’elle n’a pas acheté mais s’est fait offrir. Elle se lève et dépasse toute la masse de personne autour d’elle. Elle prend la pomme qui l’attendait depuis quelques minutes et la mange. Putain, c’est bien les fashion week mais qu’est ce que c’est chiant.

Il était tard quand elle arriva à Prague, valise en main. Elle aurait aimé que quelqu’un l’attende. Son père, sa mère, son oncle, le vieux péquenot du coin. Mais elle était seule, en plein milieu de cet aéroport bondé. Qu’ils nous parlent pas de crise économique, elle n’existe pas. Elle soupira, empoigna sa valise à roulettes et se dirigea vers l’extérieur. Elle alluma une cigarette et en tira le contenu, longuement, dégustant la bouffée, la douce odeur. Elle se sentait hideuse aujourd’hui. Passant son bras libre sur son ventre, elle en sentit la difficile maigreur qu’elle n’assumait pas tant que ça au fond. Sa main passa sur le bas de son ventre et elle en sentit le léger bout des os. C’est ça son gagne-pain ? Ce ventre sans forme, ses bras tout fins, ces longues jambes sur lesquelles certains disent « il n’y a rien à manger là-dessus ? » Cachant son léger dégout passager (il ne fallait surtout pas que les gens la surprennent et connaissent la vraie Siobhàn-Zeppelin) elle termina sa cigarette avant de voler un taxi à une vieille dame sans s’excuser et en la toisant du regard de plus. Le chemin jusqu’au centre de Prague risquait d’être long à cette heure de pointe mais elle s’en foutait, puis ce qu’elle avait l’habitude, les journées se suivent et se ressemblent toutes.

Elle sortit les clés, les introduisit et entra au chaud de l’appartement. Il n’y avait pas trop de bazar contrairement à d’habitude. Le voyant du téléphone fixe clignotait, deux nouveaux messages. Retrouvant un soupçon de sourire, elle appuya dessus pour entendre sa voix. Cela faisait toujours étrange, on se demande vraiment si l’on a cette vieille voix. « Bébé, je vais bientôt décoller. J’arrive pour vingt et une heure, j’espère que tu seras là, sinon je t’attendrai. » pas d’au revoir ni de bisou, ça n’était pas son genre. Se dirigeant dans la cuisine pour prendre une bière, elle entendit malencontreusement le message qui suivait. « Alexej, c’est moi, Micah. Je voulais juste m’assuré que c’était le bon numéro.. Au plaisir. », le tututut se fit entendre puis plus rien dans le calme appartement. La grande blonde était restée statique en plein milieu de l’appartement. Elle passa une main sur son ventre plat, fit continuer le chemin le long de son fin bras, puis sur son épaule osseuse, sa nuque et enfin ses joues pas très garnies. Elle soupira, chassa cette idée noire et enfila un débardeur pour être plus à l’aise que le t-shirt qu’elle avait avant. Elle s’installa sur le rebord de la fenêtre, alluma une cigarette tout en continuant de boire sa bière. Elle se roula une cigarette améliorée comme disait certains et la fuma, la fenêtre légèrement ouverte pour éviter l’odeur. Le calme c’est bien.

Le bruit de la porte de l’appartement se fit entendre ce qui ne la perturba pas le moins du monde dans sa contemplation de la ville. Alexej passa ses bras autour de la fine taille de la blonde, il déposa un chaste baiser dans son cou avant de la lâcher. Elle dégoutait même son copain qui ne pouvait pas la tenir entre ses bras plus longtemps tellement elle était maigre. « Bonne journée ? » dit-il alors qui la quittait déjà. Mettre de la poudre, sourire, cacher, mentir, c’était ça en fait. Les journées se suivent et se ressemblent toutes. « Très bonne mon chéri, et la tienne ? Oh tu as ramené des pâtes. Pâtes à la carbonara ça te dit ? Je meurs de faim. Au fait, j’avais plus de batterie toute la journée, excuse moi pour le manque de nouvelles. » dit-elle en souriant, prenant le verre de whisky qu’il lui tendait. Elle se leva, et sans lui accorder un quel qu’onc geste d’attachement et sans même le regarder se dirigea vers la cuisine pour préparer le repas du soir.