Il se regardait longuement dans cette glace, accrochée sur le mur de sa -trop- grande salle de bain, dans laquelle il passait la plus grande majorité de son temps. Son teint avait pâli avec le temps. Ses lèvres charnues étaient devenues si sèches que leurs commissures bordaient désormais un léger filet de sang. Ses grands yeux bleus qui pétillaient autrefois avaient perdu leur vie. Ses cheveux étaient si ébouriffés et gras qu'il ne se reconnaissait même plus. Ses vêtements ? Il n'en portait tout simplement pas. Il était nu, et il tremblait de tout son être, frigorifié, terrorisé. Il tenta de lever sa main vers la longue griffure dessinée sur sa joue gauche mais il fondit en larme avant de l'atteindre. Il pleurait, encore. Il ne le cessait de le faire depuis une dizaine de jours, depuis que tout avait commencé, depuis que sa vie avait été transformée en cauchemar ambulant. Berlioz Angermüller, il s'appelait Berlioz Angermüller. Il ressemblait tant à sa défunte mère. Son nez, son regard, son rire, sa grasse, son allure et sa présence. On ne lui relatait sans cesse sa ressemblance avec sa mère, Veronika, morte quelques semaines après l'accouchement de Berlioz d'un accident de voiture. Inutile de préciser donc qu'il ne détenait aucun souvenir d'elle. Ce fut donc son père, son fameux père, Théodore Angermüller un riche chirurgien qui éleva Berlioz à la perfection. Perfection puisque le petit était bien poli et connaissait les valeurs de la vie. Souriant et réfléchi, Berlioz était parfait. Enfin non, il détenait un seul défaut qui lui joua bien des tours et c'était celui de ressembler à sa mère. Il se leva difficilement lorsqu'il l'entendit s'approcher, il tenait à peine sur ses deux longues jambes qui manquaient de muscles. Il était là, il entendait ses pas rapides, son rire. Il empoigna avec fragilité son slip noir et l'enfila rapidement avant de se vêtir d'un veston en jean pour se couvrir le buste. La porte s'ouvrit alors, le laissant apparaître devant les yeux de Berlioz. Veronika chérie, te voilà enfin rentrée. clama Théodore Angermüller en fixant son fils qu'il avait vu grandir d'un regard des plus désireux accompagné d'une haleine qui empestait le pastis. Berlioz baissa son regard, n'osant plus défier celui de son paternel. Veronika, montre moi ton petit cul de déesse que je bande sec. enchaina-t-il en venant agripper son unique enfant par les épaules en le forçant à se tourner. Papa, je ne suis pas maman ! Tu comprends ? Je suis Berlioz, pas maman ! hurlait le petit entre de nombreux sanglots. Théodore lui jeta alors un regard sombre avant de plaquer brusquement son petit garçon contre le mur d'en face, se fichant complétement de la douleur qu'il pouvait lui infliger. Il le serrait fortement contre lui et le mur pour s'approcher de son oreille et lui susurrer quelques effroyables mots. Ta gueule enfoiré. T'es la seule personne qui me fasse penser à elle, alors accepte et montre moi ton cul de salope que je le démonte comme hier matin. Il lui donna un brusque coup de coude dans les côtes avant de le jeter sur le lit et de lui arracher son sous-vêtements. Berlioz était soumis à son paternel, il avait beau hurler, le supplier ou même essayé de se débattre, il n'avait que seize ans et il n'avait aucune force contre son père. Berlioz ne pouvait s'en prendre qu'à lui même, insulté par tous les noms, frappé, torturé et finalement violé comme un objet par son propre père, voilà à quoi sa vie correspondait désormais. Théodore Angermüller sombrait dans une folie des plus certaines, à force de se mentir à lui même et de se dire que son fils et sa femme ne faisait qu'un, il était persuadé que Berlioz était Veronika. Il l'appelait Vero, lui demandait de dormir avec, de se laver avec, de lui préparer son diner, etc.

“ it's up to you honey „

Le bel allemand avait quitté la capitale berlinoise depuis trois semaines, après le décès de son paternel qui lui avait tant causé de mal. Blessé aussi physiquement que moralement, le garçon avait déclaré ouvertement dans son journal intime que ce décès était un soulagement. Pendant quatre ans, il avait dû obéir à tous les caprices sexuels ou autre de Théodore, c'était enfin terminé. Le cauchemar était terminé. Le sang, le sexe, c'était terminé. Un nouveau Berlioz Angermüller allait naître et ce fut à Prague qu'il décida de développer cette nouvelle personnalité. Pourquoi Prague ? Naturellement pour y étudier la mode. Fils à papa malgré tout, il avait un goût certain pour le luxe et les belles choses et ce fut dans la mode qu'il décida de consacrer sa vie. Naturellement, il faisait désormais très attention à son apparence. Il vivait dans un vieil appartement qu'il s'était payé avec l'héritage de son père. Il était petit, humide et lugubre. Il avait l'argent pour s'en payer un autre mais il préférait garder son fric pour les fringues et son université. Il ne connaissait personne ici, et c'était bien mieux comme ça. Il pouvait sourire au passant et les regarder de son regard bleu océan, comme autre fois. Il chantait sous la douche, dansait lorsqu'il était seul et s'éclater lors de ses cours bien qu'il ne parlait qu'à très peu de personne. Pourtant, une belle énergumène se préparait au fil du temps. Berlioz Angermüller sombrait peu à peu dans un cercle vicieux. Il était beau, attirant et il le comprit rapidement. Il intriguait tout le monde et il en jouait. Qui était ce beau garçon aux yeux bleus et aux lèvres pulpeuses ? Il n'en avait lui même aucune idée. Au fils des jours, des mois, Berlioz se transformait en personnage froid, hautain. Il perdait à nouveau son sourire mais c'était d'autant plus jouissif. Il prit vite conscience qu'il était supérieur aux autres. Il avait l'argent, la classe, le physique et le goût. Il commença doucement à mépriser les autres élèves, puis les professeurs pour finalement se sentir roi, roi de Prague, roi du monde. Sa place était au dessus du sommet et nul part ailleurs. Une seule règle lui était imposée et c'était celle de ne rien avouer sur son passé. Il était officiellement le fils d'un riche chirurgien mort à Berlin. Il mentait, manipulait dans le but d'avoir le monde entier à ses pieds. Vicieux et malsain, Berlioz Angermüller comptait bien se venger sur la vie. Il devait attirer l'intention. Son nom devait pendre à toutes les lèvres. Il était le chef du royaume, il était tout. Il était persuadé que tout le monde le désirait, que tout le monde voulait le côtoyer mais il n'offrait que ces quelques sourires à ces quelques personnes qu'il manipulait. Effroyable et arrogant, Berlioz avait bien changé. Personne ne pouvait lui arriver à la cheville. La perfection avait un nom, et c'était bien Berlioz Angermüller si l'on écoutait ses propos. Il s'amusait à faire mal aux gens dans le seul but de leur prouver qu'il était supérieur à tous. Un vrai connard. Autant dire que l'arrivé de ce personnage allait bien changer des choses à Prague.